Les fontaines de Riex
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Texte de M. Paul Bonard :

M. Paul Bonard, ancien professeur au Gymnase de la Cité à Lausanne, a consacré sa retraite à un travail de grande envergure sur les fontaines du Pays de Vaud, qui a donné lieu à l’excellent ouvrage «Fontaines des Campagnes vaudoises», aux éditions 24 heures.

Le texte ci-après de M. Bonard a été rédigé à partir des archives de Riex, et remis gracieusement à la commune.

La commune de Riex possède cinq superbes fontaines, toutes anciennes :

Cliquer sur les titres :

1. La fontaine de la rue du Four, 1831

2. La fontaine de la rue du Collège, 1848

3. La fontaine de la rue Davel, 1858

4. La petite fontaine à l'entrée Est, 1858

5. La grande fontaine octogonale de 1863, avec le grand bassin de 1827     (clic sur l'image > )    


N’ayant pas trouvé aux archives les registres de procès-verbaux d’avant 1870, qui auraient pu nous donner des renseignements intéressants sur leur origine, nous avons dû nous contenter de ceux que nous ont livré les comptes communaux, heureusement fort bien tenus. C'est ainsi que nous avons pu établir quand même l'essentiel de la chronologie de leur apparition.

1. Fontaine de la Rue du Four, 1831.

30 juillet 1830 : « La Municipalité proposant d’établir un bassin de fontaine au-dessus du village … la Municipalité est autorisée de prendre les mesures nécessaires pour faire établir un bassin en marbre aussi grand que possible, pour placer à la place de celui de la rue du four, et celui-ci de le placer en place de celui placé dessous la Vigne de Clos Mittel appartenant à l’Hôpital de Fribourg et le bassin en bois le placer au dessus du village.»

De ce texte il faut d'abord retenir qu'il y avait encore un bassin en bois à la rue du Four qu'on proposa de placer au-dessus du Village. Le nouveau bassin en marbre devait donc le remplacer. Il y est encore aujourd’hui. C'est un beau et large bassin en marbre de Saint-Triphon, un peu irrégulier, qui a été très heureusement restauré et qui porte la date de 1831.

D'une contenance de 2200 pots, mesure bernoise (1,67 l), taillé par le maître carrier Daniel Veillard de Saint-Triphon, il revenait à 467 livres 5 batz, et la chèvre à 46 livres. La pose  d'un bassin entraînait d'autres frais. Nous voyons que le boursier déboursa 20 livres 4 batz pour le logement de deux carriers, du charretier et des chevaux.

Le fondeur Develey fournit deux goulots, un pour la nouvelle fontaine, l’autre pour celle de Clos Mittel, qui revenaient à 37 livres. Le maréchal présenta une note de 29 livres et on remit 5 livres aux ouvriers qui s’étaient aidés à poser les bassins.

Samuel Fauquex céda une petite place pour l’installation du bassin. En 1835, le carrier Daniel Veillard  fournit  encore  une  chèvre  pour  laquelle  il  toucha  un  acompte de 48 livres 3 batz, tandis que le solde ne lui fut versé qu’en 1838.


2. Fontaine de la Rue du Collège, 1848.

20 mars 1848 : « Le bassin de la fontaine, placé sous la vigne de l’Hôpital de Fribourg (de Clos Mittel) étant détérioré, la Municipalité est autorisée d’en faire construire un neuf. Il est probable qu’il s’agissait du vieux bassin en bois.

C 'est le carrier David Samuel Gétaz qui fournit les deux nouveaux bassins, grand et petit, avec une chèvre, pour le prix de Fr 265.40. Le petit bassin était généralement utilisé pour la lessive et le lavage des légumes, l'eau du grand bassin ne devant pas être souillée.

3. Fontaine de la Rue Davel, 1858.

En avril  1858,  la  municipalité  met  en  soumission  dans  la  Feuille  des Avis officiels la fourniture de deux bassins en marbre: celui qui se trouve à la rue Davel et un autre, plus petit, à l’entrée du village. le premier est un beau bassin double, adossé à un mur élevé. Comme pour les précédents, on charge un carrier de Saint-Triphon de les fournir.

Ces bassins arrivaient à Cully par le lac. On ne nous dit pas comment ils étaient acheminés à Riex, ce qui, vu l’état des routes d’alors, devait présenter certaines difficultés. Ce bassin, avec le suivant, revenait à 840 Fr. Nous constatons que, depuis 1831, les prix avaient bien changé.


4. Fontaine à l’entrée du village, 1858.

On avait commandé deux bassins au maître carrier Pousaz. Le petit, qui porte la date de 1858, se trouve à l 'entrée du village, près du local du feu. C'est un joli bassin évasé, avec la chèvre encastrée dans le mur.

Toutes ces fontaines représentaient un débit assez important. Aussi la commune achète-t-elle, en 1858, une source à l'hoirie François-Louis Palaz, aux Grands-Champs, pour cinq cents francs .

En même temps, on achète à M. de Lerber, à Romainmôtier, des tuyaux en terre cuite pour 1195 francs. Ces tuyaux étaient destinés à remplacer ceux en bois, qui ne duraient pas longtemps et dont l’entretien était fort onéreux pour les communes. Ces tuyaux en terre cuite étaient d'excellente qualité. On en retrouve encore, en parfait état, lorsqu’on fait certaines fouilles. Un prospectus de la maison de Lerber certifiait qu'ils étaient « en quelque sorte inaltérables et d'une durée indéfinie » et qu’ils résistaient au gel.

5. Bassin octogonal, grande fontaine, 1863.

A côté des quatre fontaines dont nous venons de parler, il existait depuis longtemps une fontaine octogonale au centre du village dont nous ne savons rien, si ce n'est qu'en 1845, on envisageait de la remplacer. Etait-elle endommagée, laissait-elle couler l'eau ? Nous l'ignorons. Toujours est-il qu’en août 1845, la Municipalité fait publier dans la Feuille des Avis officiels l’annonce suivante:

« La Municipalité de Riex voulant faire construire un grand bassin de fontaine en marbre, à peu près dans le genre et en remplacement de celui de forme octogone, qui existe au centre du village, invite les maîtres carriers à se rendre auprès de M. Louis Borgognon, municipal audit Riex, qui leur donnera connaissance des dimensions, ainsi que des vues de la municipalité sur cette entreprise.»

Nous ne savons pas quelles furent les suites de cette annonce. Les choses n'allèrent pas vite, car deux ans plus tard, en juillet 1847, la municipalité présentait « un plan pour la construction du bassin à la grande fontaine, en remplacement de l'ancien ». Mais on décida "d'ajourner cette réparation à l'année 1849, la Commune étant chargée de dépenses assez considérables dans ce moment.»

En réalité,  il  fallut  attendre  encore  quinze  ans avant de voir ce projet se réaliser. En effet, c'est le 14 avril 1862 seulement qu'on signa avec le carrier Baumann de Soleure la convention pour la livraison du bassin !

Pourquoi s’adressait-on à un carrier de Soleure ? Les carriers vaudois qui, depuis le début du siècle, avaient connu une activité intense, disparaissaient les uns après les autres et, à partir de 1850, leur production était presque nulle. Seuls les granitiers italiens continuaient encore à tailler des bassins en granit.

Quelques années avant 1850 déjà, certaines communes s'étaient adressées à Soleure pour obtenir des bassins en pierre. C'est ainsi que nous voyons Baulmes, Onnens ou Penthéréaz aller à Yverdon prendre livraison de bassins qui arrivaient par le lac d'abord, par le train ensuite. Riex suivit leur exemple et, en 1863, alla chercher à Cully, le bassin que leur livrait le maître carrier Baumann de Soleure. C’était un grand bassin octogonal en deux pièces, dont le transport, de Soleure à Cully, revenait à 99.90 Fr. Le bassin lui-même, avec sa chèvre monumentale, coûtait 2'800 Fr.

On  avait  commandé  les deux magnifiques goulots en gueule de poisson à MM. Menn &  Lullin à Genève. Ils revenaient à 97.90 Fr, plus 1.- Fr pour le radeleur de Cully et 1.50 Fr pour le transport de Cully à Riex ! On peut s'étonner que le transport du bassin de Cully à Riex n’ait nécessité que trois chevaux, pour le prix de 15 francs. Il était probablement en deux pièces, montées ensuite sur place .

Le carrier Briganti, de Saint-Triphon, amena par char des blocs de dallage à poser le long du grand bassin, d’où une dépense de 209.90 Fr, plus 38 francs pour le transport. Le  maréchal présenta de son côté une note de 204.75 Fr et le pintier une autre de 19.- Fr pour le vin fourni aux ouvriers qui ont posé le bassin.

Il faudrait, pour être complet, relever encore les nombreuses journées qui furent nécessaires pour poser le bassin. Au total, les dépenses de l’année pour cette fontaine s’élevèrent à 3'721.65 Fr.

Le grand bassin rectangulaire, en pierre de Saint-Triphon, qui avoisine le bassin octogonal,   est  beaucoup  plus  ancien.  En  1827,  le  conseil  général  avait  décidé  « de faire un bassin en marbre à côté du grand bassin … et de le faire construire aussi grand que l’emplacement le permettra. » L’ancien grand bassin octogonal existait donc déjà à cette époque.

Il est d'une contenance de 1575 pots, mesure bernoise. Construit par le maître carrier Cullaz, il avait coûté 315 livres, plus 12 francs « par dessus le marché » et 3 francs de gratification  au  fils  du  marbrier.  Les  frais  de réception et du posage s'élevaient à 10 francs.

Conclusion.

La grande fontaine octogonale exceptée, tous les bassins de Riex sortent des carrières de Saint-Triphon. Ils sont l'ouvrage des carriers de la région d’Ollon, les Cullaz, les Veillard, les Gétaz et les Pousaz. Tous ces maîtres carriers exploitaient une carrière privée jusqu'au jour ou la plupart d'entre elles furent rachetées par les Doret, prédécesseurs de la famille Rossier qui exploite actuellement les carrières de Saint-Triphon.

On peut féliciter la Commune de Riex d'avoir gardé intactes toute ses vieilles fontaines, témoins durant plus d'un siècle de tous les événements du village.


Apples, août 1977, Paul Bonard

 
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