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Texte de M. Paul Bonard :
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M. Paul Bonard, ancien professeur au Gymnase de
la Cité à Lausanne, a consacré
sa retraite à un travail de grande envergure
sur les fontaines du Pays de Vaud, qui a donné
lieu à l’excellent ouvrage «Fontaines
des Campagnes vaudoises», aux éditions
24 heures.
Le texte ci-après
de M. Bonard a été rédigé
à partir des archives de Riex, et remis
gracieusement à la commune.
La commune de Riex possède cinq superbes
fontaines, toutes anciennes : |
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N’ayant pas trouvé aux archives les
registres de procès-verbaux d’avant
1870, qui auraient pu nous donner des renseignements
intéressants sur leur origine, nous avons
dû nous contenter de ceux que nous ont livré
les comptes communaux, heureusement fort bien
tenus. C'est ainsi que nous avons pu établir
quand même l'essentiel de la chronologie
de leur apparition.
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1.
Fontaine de la Rue du Four, 1831.
30 juillet 1830 : « La Municipalité
proposant d’établir un bassin de
fontaine au-dessus du village … la Municipalité
est autorisée de prendre les mesures nécessaires
pour faire établir un bassin en marbre
aussi grand que possible, pour placer à
la place de celui de la rue du four, et celui-ci
de le placer en place de celui placé dessous
la Vigne de Clos Mittel appartenant à l’Hôpital
de Fribourg et le bassin en bois le placer au
dessus du village.»
De ce texte il faut d'abord retenir
qu'il y avait encore un bassin en bois à
la rue du Four qu'on proposa de placer au-dessus
du Village. Le nouveau bassin en marbre devait
donc le remplacer. Il y est encore aujourd’hui.
C'est un beau et large bassin en marbre de Saint-Triphon,
un peu irrégulier, qui a été
très heureusement restauré et qui
porte la date de 1831.
D'une contenance de 2200 pots,
mesure bernoise (1,67 l), taillé par le
maître carrier Daniel Veillard de Saint-Triphon,
il revenait à 467 livres 5 batz, et la
chèvre à 46 livres. La pose
d'un bassin entraînait d'autres frais. Nous
voyons que le boursier déboursa 20 livres
4 batz pour le logement de deux carriers, du charretier
et des chevaux.
Le fondeur Develey fournit deux
goulots, un pour la nouvelle fontaine, l’autre
pour celle de Clos Mittel, qui revenaient à
37 livres. Le maréchal présenta
une note de 29 livres et on remit 5 livres aux
ouvriers qui s’étaient aidés
à poser les bassins.
Samuel Fauquex céda une
petite place pour l’installation du bassin.
En 1835, le carrier Daniel Veillard fournit
encore une chèvre pour
laquelle il toucha un
acompte de 48 livres 3 batz, tandis que
le solde ne lui fut versé qu’en 1838.
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2. Fontaine de la Rue
du Collège, 1848.
20 mars 1848 : « Le bassin
de la fontaine, placé sous la vigne de
l’Hôpital de Fribourg (de Clos Mittel)
étant détérioré, la
Municipalité est autorisée d’en
faire construire un neuf. Il est probable qu’il
s’agissait du vieux bassin en bois.
C 'est le carrier David Samuel
Gétaz qui fournit les deux nouveaux bassins,
grand et petit, avec une chèvre, pour le
prix de Fr 265.40. Le petit bassin était
généralement utilisé pour
la lessive et le lavage des légumes, l'eau
du grand bassin ne devant pas être souillée.
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3.
Fontaine de la Rue Davel, 1858.
En avril 1858, la municipalité
met en soumission dans
la Feuille des Avis officiels la fourniture
de deux bassins en marbre: celui qui se trouve
à la rue Davel et un autre, plus petit,
à l’entrée du village. le
premier est un beau bassin double, adossé
à un mur élevé. Comme pour
les précédents, on charge un carrier
de Saint-Triphon de les fournir.
Ces bassins arrivaient à
Cully par le lac. On ne nous dit pas comment ils
étaient acheminés à Riex,
ce qui, vu l’état des routes d’alors,
devait présenter certaines difficultés.
Ce bassin, avec le suivant, revenait à
840 Fr. Nous constatons que, depuis 1831, les
prix avaient bien changé. |
4. Fontaine à
l’entrée du village, 1858.
On avait commandé deux bassins
au maître carrier Pousaz. Le petit, qui
porte la date de 1858, se trouve à l 'entrée
du village, près du local du feu. C'est
un joli bassin évasé, avec la chèvre
encastrée dans le mur.
Toutes ces fontaines représentaient
un débit assez important. Aussi la commune
achète-t-elle, en 1858, une source à
l'hoirie François-Louis Palaz, aux Grands-Champs,
pour cinq cents francs .
En même temps, on achète
à M. de Lerber, à Romainmôtier,
des tuyaux en terre cuite pour 1195 francs. Ces
tuyaux étaient destinés à
remplacer ceux en bois, qui ne duraient pas longtemps
et dont l’entretien était fort onéreux
pour les communes. Ces tuyaux en terre cuite étaient
d'excellente qualité. On en retrouve encore,
en parfait état, lorsqu’on fait certaines
fouilles. Un prospectus de la maison de Lerber
certifiait qu'ils étaient « en quelque
sorte inaltérables et d'une durée
indéfinie » et qu’ils résistaient
au gel.
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5.
Bassin octogonal, grande fontaine, 1863.
A côté des quatre
fontaines dont nous venons de parler, il existait
depuis longtemps une fontaine octogonale au centre
du village dont nous ne savons rien, si ce n'est
qu'en 1845, on envisageait de la remplacer. Etait-elle
endommagée, laissait-elle couler l'eau
? Nous l'ignorons. Toujours est-il qu’en
août 1845, la Municipalité fait publier
dans la Feuille des Avis officiels l’annonce
suivante:
« La Municipalité de
Riex voulant faire construire un grand bassin
de fontaine en marbre, à peu près
dans le genre et en remplacement de celui de forme
octogone, qui existe au centre du village, invite
les maîtres carriers à se rendre
auprès de M. Louis Borgognon, municipal
audit Riex, qui leur donnera connaissance des
dimensions, ainsi que des vues de la municipalité
sur cette entreprise.»
Nous ne savons pas quelles furent
les suites de cette annonce. Les choses n'allèrent
pas vite, car deux ans plus tard, en juillet 1847,
la municipalité présentait «
un plan pour la construction du bassin à
la grande fontaine, en remplacement de l'ancien
». Mais on décida "d'ajourner
cette réparation à l'année
1849, la Commune étant chargée de
dépenses assez considérables dans
ce moment.»
En réalité, il
fallut attendre encore
quinze ans avant de voir ce projet se réaliser.
En effet, c'est le 14 avril 1862 seulement qu'on
signa avec le carrier Baumann de Soleure la convention
pour la livraison du bassin !
Pourquoi s’adressait-on à
un carrier de Soleure ? Les carriers vaudois qui,
depuis le début du siècle, avaient
connu une activité intense, disparaissaient
les uns après les autres et, à partir
de 1850, leur production était presque
nulle. Seuls les granitiers italiens continuaient
encore à tailler des bassins en granit.
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Quelques années avant 1850
déjà, certaines communes s'étaient
adressées à Soleure pour obtenir
des bassins en pierre. C'est ainsi que nous voyons
Baulmes, Onnens ou Penthéréaz aller
à Yverdon prendre livraison de bassins
qui arrivaient par le lac d'abord, par le train
ensuite. Riex suivit leur exemple et, en 1863,
alla chercher à Cully, le bassin que leur
livrait le maître carrier Baumann de Soleure.
C’était un grand bassin octogonal
en deux pièces, dont le transport, de Soleure
à Cully, revenait à 99.90 Fr. Le
bassin lui-même, avec sa chèvre monumentale,
coûtait 2'800 Fr.
On avait commandé
les deux magnifiques goulots en gueule de poisson
à MM. Menn & Lullin à
Genève. Ils revenaient à 97.90 Fr,
plus 1.- Fr pour le radeleur de Cully et 1.50
Fr pour le transport de Cully à Riex !
On peut s'étonner que le transport du bassin
de Cully à Riex n’ait nécessité
que trois chevaux, pour le prix de 15 francs.
Il était probablement en deux pièces,
montées ensuite sur place .
Le carrier Briganti, de Saint-Triphon,
amena par char des blocs de dallage à poser
le long du grand bassin, d’où une
dépense de 209.90 Fr, plus 38 francs pour
le transport. Le maréchal présenta
de son côté une note de 204.75 Fr
et le pintier une autre de 19.- Fr pour le vin
fourni aux ouvriers qui ont posé le bassin.
Il faudrait, pour être complet,
relever encore les nombreuses journées
qui furent nécessaires pour poser le bassin.
Au total, les dépenses de l’année
pour cette fontaine s’élevèrent
à 3'721.65 Fr.
Le grand bassin rectangulaire,
en pierre de Saint-Triphon, qui avoisine le bassin
octogonal, est beaucoup plus
ancien. En 1827, le
conseil général avait
décidé « de faire
un bassin en marbre à côté
du grand bassin … et de le faire construire
aussi grand que l’emplacement le permettra.
» L’ancien grand bassin octogonal
existait donc déjà à cette
époque.
Il est d'une contenance de 1575
pots, mesure bernoise. Construit par le maître
carrier Cullaz, il avait coûté 315
livres, plus 12 francs « par dessus le marché
» et 3 francs de gratification au
fils du marbrier. Les
frais de réception et du posage
s'élevaient à 10 francs.
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Conclusion.
La grande fontaine octogonale exceptée,
tous les bassins de Riex sortent des carrières
de Saint-Triphon. Ils sont l'ouvrage des carriers
de la région d’Ollon, les Cullaz,
les Veillard, les Gétaz et les Pousaz.
Tous ces maîtres carriers exploitaient une
carrière privée jusqu'au jour ou
la plupart d'entre elles furent rachetées
par les Doret, prédécesseurs de
la famille Rossier qui exploite actuellement les
carrières de Saint-Triphon.
On peut féliciter la Commune
de Riex d'avoir gardé intactes toute ses
vieilles fontaines, témoins durant plus
d'un siècle de tous les événements
du village. |
Apples, août 1977, Paul Bonard
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